Le film "Enquête sur un scandale d'État" dévoile toutes les difficultés d'une enquête journalistique - Le HuffPost

CINÉMA - “Il a fait de l’Office central de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, l’État français donc, le plus grand trafiquant du pays”, affirme Roschdy Zem dans le film Enquête sur un scandale d’état. Ce polar politique réalisé par Thierry de Peretti sort mercredi 9 février au cinéma et revient sur l’affaire du patron des “Stups” François Thierry.

L’ancien informateur Hubert Avoine, décédé d’un cancer en 2018, accusait l’Office français des Stups et son patron d’avoir favorisé l’importation de drogues sur le territoire français. Il a confié au journaliste Emmanuel Fansten que la police s’est attaché les services d’un trafiquant et lui a laissé le champ libre pour faire passer des dizaines de tonnes de drogues entre la France et l’Espagne. Ses révélations sont détaillées dans le livre L’infiltré, co-écrit par les deux hommes et dont le film est une adaptation. 

Dans une vidéo du HuffPost à découvrir en tête de cet article, le journaliste de Libération Emmanuel Fansten revient sur son enquête, accompagné de Pio Marmaï, qui l’incarne dans le film. Une enquête qui a démarré lors de sa rencontre avec Hubert Avoine, quelques mois après la saisie record du 18 octobre 2015. Ce jour-là, 7 tonnes de drogues avaient été interceptées dans trois fourgons stationnés en plein Paris. Le début d’un scandale d’État qui a abouti au remplacement de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) par l’Office anti-stupéfiants (Ofast) en 2019.

Face aux doutes, les faits

L’ex-informateur, joué par Roschdy Zem, dénonçait un véritable système qui a d’abord laissé le journaliste dubitatif. “On est forcément déstabilisé quand une source vient vous livrer des informations aussi énormes. On se pose la question immédiatement : ’Est-ce que ce type n’est pas en train de m’enfumer ? Est-ce que ce type n’est pas un mythomane ?’”

Vient alors le temps de l’enquête et des vérifications. “Il y a tout un travail de recoupement des informations, en vérifiant un certain nombre de choses”, indique Emmanuel Fansten. Le journaliste s’est d’abord affairé à vérifier qu’Hubert Avoine “avait bien été informateur pour la police française, qu’il avait bien travaillé pour le compte de l’office des stups, qu’il avait bien fait un certain nombre d’opérations pour le compte de François Thierry”. 

Il a pu s’appuyer sur un certain nombre d’éléments démontrant la véracité de ses propos. “Des textos qu’il avait gardés, des mails, et bien sûr des témoignages autres de magistrats ou de policiers qui donnaient du crédit à sa parole”, précise l’homme de 43 ans. 

Une relation proche, au risque de perdre en lucidité

Pyramide Productions

Pio Marmaï incarne le journaliste de Libération Emmanuel Fansten dans le film.

Au fil de l’enquête, Emmanuel Fansten et Hubert Avoine ont noué des liens forts. Le journaliste est conscient que cette proximité aurait pu être un frein à son travail d’enquête. “Il est très clair que c’était beaucoup plus qu’une simple relation professionnelle. Mais il y avait toujours la volonté de garder une bonne distance avec ce qu’il racontait”.

Pio Marmaï a passé plusieurs mois dans la peau d’Emmanuel Fansten. L’acteur a aussi ressenti ce tiraillement entre neutralité et émotion. “Il y a ce truc d’amour, de haine, de tension (...). Il y a quelque chose de l’ordre fraternel”, confie-t-il. ”À un moment, on est dépassé par ce que l’on fabrique”. 

Après la publication des révélations dans les colonnes de Libération, de nombreuses accusations de mensonges sont survenues. “Dès qu’on a sorti nos révélations, il y a eu ce qu’on appelle des contre-feux, avec des journaux qui ont restitué la parole de hauts policiers expliquant qu’Hubert Avoine était un mythomane”, précise l’auteur de l’enquête.

Les accusations d’Hubert Avoine ont aussi suscité le doute en raison de leur ampleur. “Un certain nombre de confrères ont pris le contre point en expliquant que la police française n’avait pas pu elle-même contribué à l’importation de dizaines de tonnes de cannabis en France. C’est évidemment un trouble, mais c’est encore plus troublant quand on découvre que ce qu’il dit est vrai”, termine le journaliste. 

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