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« Les Particules élémentaires » : Peut-on garder « l’esprit » de Michel Houellebecq en prime time sur France… - 20 Minutes

Lire Michel Houellebecq est toujours une expérience vertigineuse ! A sa sortie en août 1998, Les Particules élémentaires a été qualifié par la critique de « tentative de livre total ». Parce que l’auteur prouvait tout à la fois sa capacité à entretenir le flou sur ses positions, à brouiller les dichotomies et à disséquer le réel avec un œil acéré. Puisque l’écrivain agence de nombreux types de discours : roman, chronique familiale, essai, poésie, sociologie, analyse de texte, discours scientifique et dissertation littéraire. Frustration sexuelle, racisme, antiféminisme, anti-libertarisme, pornographie, modification génétique… Les projectiles ont fusé. Avec quelque 400.000 exemplaires vendus, le livre sacré « meilleur livre de l’année » est devenu culte, Michel Houellebecq, un écrivain majeur.

Pas loin d’un quart de siècle plus tard, la sortie d’un livre de Michel Houellebecq, comme Anéantir, son dernier roman, est toujours précédé d’un vent de scandale qui met le monde littéraire en effervescence. Alors, oui, adapter Les Particules élémentaires, pavé dense, complexe et sulfureux de quelque 600 pages, en deux épisodes de 60 minutes en prime time sur France 2, diffusés ce lundi à 21h10, est une « folie », comme le souligne Anne Holmes, directrice des programmes de France Télévisions, lors d’une conférence de presse virtuelle à laquelle 20 Minutes a assisté.

Une fiction, qui sera sans doute critiquée par les exégètes de Michel Houellebecq parce qu’« adapter, c’est trahir », rappelle Gilles Taurand, qui s’est collé à cette tâche colossale avec sensibilité. Une fiction, qui a le mérite d’« essayer d’amener vers le grand public une œuvre comme Les Particules élémentaires, qui parlait de manière un peu visionnaire de l’extinction de l’espèce humaine et d’une société qui emmène les gens dans la solitude », salue le producteur Édouard de Vésinne. Alors, comment l’équipe derrière Les Particules élémentaires a tenté l’impossible, porter Houellebecq à l’écran ?

Une narration complexe sur trois époques

Les Particules élémentaires suit les destins croisés et la vie chaotique de deux demi-frères, Michel (Jean-Charles Clichet) et Bruno (Guillaume Gouix) sur trois époques différentes. « Quand on est romancier comme Michel Houellebecq, on peut se permettre d’aller et venir des années 1950 au troisième millénaire. Quand on est scénariste, c’est une autre paire de manches », commente Gilles Taurand.

Une première temporalité suit l’enfance chaotique des deux demi-frères, presque livrés à eux-mêmes, tandis que leur mère Janine (Pascale Arbillot) est partie vivre la révolution sexuelle en Californie.

Une deuxième temporalité suit les deux demi-frères à l’âge adulte. L’enfant prodige Michel est devenu un génie en biologie moléculaire, incapable d’aimer. Bruno, victime de viols et de harcèlement à l’internat, un enseignant en littérature en quête frénétique de plaisirs sexuels.

Enfin, une troisième temporalité suit Bruno sur les traces de Michel, alors qu’il a mystérieusement disparu en Irlande tandis qu’il venait de faire des découvertes susceptibles de bouleverser l’avenir de la génétique et de l’humanité.

« Il a fallu faire des choix nécessaires sur la temporalité, les personnages et situations, résume le scénariste. Adapter, c’est choisir de couper ceci ou de rajouter cela ou d’augmenter par exemple le volume de certains personnages secondaires. Ce que j’ai fait. »

Un texte « très cru »

Le roman Les Particules élémentaires n’épargne pas au lecteur les séances d’humiliations sexuelles que subit Bruno, ni ses tentatives nombreuses et désespérées d’assouvir son insatiable désir sexuel. « L’ambition était de créer en images le texte de Michel Houellebecq, qui est quand même très cru, très singulier pour le service public. Ma hantise, c’était qu’on me dise que je suis passé à côté de Houellebecq ou que je l’ai trop édulcoré », confie le réalisateur Antoine Garceau.

Le hic ? « Quand on adapte Michel Houellebecq et si on veut s’adresser au plus grand nombre, on ne pas le faire en moins de 16 ans, sinon cela ne passe pas en prime time sur le service public », rappelle Anne Holmes, qui félicite « un travail d’orfèvre », qui a permis à la version audiovisuelle du monument de la littérature de n’écoper que d’une interdiction pour les « moins de 12 ans ».

« Dès l’instant où je me lance dans ce genre d’adaptation en sachant à quel point Michel Houellebecq est un auteur scandaleux, qui cherche d’ailleurs la provocation, je n’avais pas envie d’aller dans l’hypersexualisation des scènes, raconte le scénariste. On s’en passe très bien parce que la détresse sexuelle d’un personnage comme Bruno dans ces séances avec le psychanalyste, c’est beaucoup plus intéressant d’insister là-dessus, sur la façon dont il parle de son obsession sexuelle, du malheur que c’est. »

L’adaptation montre des scènes « osées pour la télévision française, selon Gilles Taurand. Des scènes qui évoquent assez précisément des masturbations répétitives. »

« Il fallait garder l’esprit, expliquer le traumatisme original de Bruno et Michel », abonde le réalisateur. La fiction de France 2 ne fait pas l’impasse sur des scènes chocs comme celle « où Bruno se fait pisser dessus » à l’internat, souligne le scénariste.

Retrouver « l’ironie houellebecquienne »

Autre difficulté et pas des moindres, réussir à retranscrire ce qui fait le sel de l’auteur. « J’avais envie que ceux qui ont lu le roman retrouvent l’ironie houellebecquienne », souligne le scénariste. « On a essayé de garder l’humour de Michel Houellebecq avec les comédiens quand on a tourné ces scènes », renchérit Antoine Garceau.

Gilles Taurand s’est toutefois refusé à disséquer Michel et Bruno « comme des rats de laboratoire, ce que fait avec beaucoup de talent Houellebecq », salue-t-il. Psychologue de formation initiale, il a décidé d’aller plus vers « la psychologie » et « l’émotion » pour amener le spectateur à s’intéresser à cette « détresse, à ce désespoir qui habite ces personnages ».

« La meilleure manière de ne pas trahir un livre, c’est de l’aimer d’abord, j’ai été d’abord un lecteur avant d’être un adaptateur. Il me semble très important quand on adapte, que ce soit Proust ou autre chose, de respecter au moins l’esprit », considère le scénariste.

En ce sens, Les Particules élémentaires à l’écran ont su préserver « la substance du roman de Houellebecq », conclut le producteur. L’esprit d’une satire féroce sur notre société individualiste et prétendument libéré et la peinture bouleversante d’un homme occidental postmoderne désespéré.

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