
Animée par le comédien et metteur en scène star Alexis Michalik, la 34e cérémonie des Molières a particulièrement distingué la Comédie-Française. Quatre récompenses, dont trois pour Le Bourgeois Gentilhomme, lui ont été décernées, côté théâtre public : meilleur comédien pour Christian Hecq, meilleur spectacle et meilleure mise en scène. La vénérable institution a également été récompensée pour La Reine des neiges, l’histoire oubliée, mise en scène par Johanna Boyé.
Derrière la comédie de Molière se tient « le couple en or » de la scène française : le sociétaire Christian Hecq et la metteuse en scène et plasticienne Valérie Lesort, qui ont déjà reçu plusieurs Molières ces dernières années grâce à des spectacles tout public plébiscités pour leur inventivité (20 000 lieux sous les mers, Le voyage de Gulliver).
Toujours dans le public, Sara Giraudeau a été sacrée meilleure comédienne face à Isabelle Huppert, Isabelle Carré, et Catherine Hiegel, pour son interprétation dans Le syndrome de l’oiseau, inspirée de l’affaire Natascha Kampusch.
Côté privé, la pièce Oublie-moi de Matthew Saeger, une pépite créée au Festival « off » d’Avignon en 2022, avec un budget modeste, a gagné trois Molières : meilleur spectacle du privé, meilleur comédien pour Thierry Lopez et meilleure comédienne pour Marie-Julie Baup. Il s’agit d’un mélodrame émouvant sur la tourmente d’un couple à cause de la maladie d’Alzheimer.
Alexis Michalak pour une image plus dynamique
Parmi les autres vainqueurs de la soirée, la nouvelle version du spectacle culte Starmania a remporté deux Molières (meilleur spectacle musical, création visuelle et sonore), une consécration pour Thomas Jolly, metteur en scène qui sera aux manettes de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris en 2024. Il a reçu un des prix aux côtés du cocréateur du spectacle original, Luc Plamondon, très ému.
Maître de cérémonie, le metteur en scène Alexis Michalik, récompensé de plusieurs Molières dans sa carrière, a tenté de donner une image plus dynamique à cette soirée, ouvrant le bal avec une chanson qu’il a interprétée lui-même, escorté d’un groupe de comédiens, dans le style de la comédie musicale.
Ont notamment suivi une succession de blagues (« la planète, c’est pas comme la ministre de la culture qu’on peut changer tous les deux ans », a lancé une comédienne prétendant être une éco-guerrière), des sketchs (un Molière « cassé » remplacé par un César), une performance drag, un hommage à la légende du théâtre Peter Brook ou un autre à la musique afro-américaine par les chanteurs de la comédie musicale Black Legends.
La ministre Rima Abdul Malak prend le micro
Avant le début de la cérémonie, quelques dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le Théâtre de Paris, où se déroulait la soirée, pour protester contre la réforme des retraites. La CGT-spectacle avait notamment appelé à réserver un « comité d’accueil » à la ministre de la culture, Rima Abdul Malak.
Les casseroles débutent devant le théâtre de Paris où doivent se tenir les #Molières en présence de la ministre de… https://t.co/HUzlCDrYY9
— blanchardsand (@Sandrine Blanchard)
Pendant la cérémonie, deux artistes l’ont interpellée sur scène concernant la réforme des retraites. « Les acteurs ne sont pas des chiens, disait [l’acteur français] Gérard Philipe, pour dénoncer la précarité dans nos carrières », a affirmé la comédienne Toufan Manoutcheri. « Tout seul, dans sa bonne logique ultralibérale, du haut de sa tour d’ivoire, il a décidé de reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans », a-t-elle ajouté, en référence au président de la République, Emmanuel Macron. Les deux artistes se sont par la suite adressées à la ministre présente dans la salle : « Quand est-ce que vous allez vous décider à sortir de votre silence ? Depuis le 13 janvier, vous ne répondez pas aux questions posées par nos syndicats sur les conséquences de cette réforme envers nos intermittents et intermittentes ». Elles ont ensuite quitté la scène en lançant « Vivent les casserolades ! »
Quelques secondes plus tard, chose extrêmement rare lors d’une cérémonie de ce genre, Rima Abdul Malak s’est levée et a pris un micro pour défendre son bilan. « D’habitude, le rôle du ministre, c’est de rester assis à ne rien dire. Mais, là, c’est pas possible », a-t-elle dit. « Cette phrase de Gérard Philipe, elle date de 1957. Il n’y avait même pas de ministère de la culture à l’époque », a-t-elle ajouté. Le ministère a été créé deux ans plus tard. « Aujourd’hui, il y a un ministère de la culture qui défend haut et fort l’exception culturelle française, qui défend le régime de l’intermittence qui est une fierté pour notre pays. Vous avez un ministère qui a apporté des aides massives pendant la crise [sanitaire] pour vous soutenir tous », a martelé la ministre qui a également mentionné des aides débloquées dans le contexte inflationniste actuel. Elle a par ailleurs accusé les syndicats d’avoir décidé d’annuler eux-mêmes deux réunions avec elle, dont une prévue le 27 avril. « Il est encore temps de changer d’avis, ma porte est ouverte », a-t-elle conclu. Aussi bien les deux artistes que la ministre ont été applaudies par la salle.
La cérémonie a également été marquée par l’hommage de la dramaturge franco-iranienne Aïda Asgharzadeh à la « révolution en Iran », enjoignant la salle à danser brièvement en soutien à cinq femmes détenues pour avoir dansé en « crop top » et dont la vidéo – devenue virale sur TikTok – a été diffusée sur un écran géant. Aïda Asgharzadeh a été récompensée du prix de la meilleure autrice francophone vivante pour sa pièce Les poupées persanes, qui s’inspire librement de l’histoire de ses parents, engagés politiquement contre le chah avant qu’ils ne fuient le pays avec l’instauration du régime islamique.
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